« Le premier confinement a été une révélation pour moi parce que j’ai été vraiment … C’était une pause dans le temps, comme une parenthèse. J’étais comme dans une bulle. D’habitude, je suis super active, je fais plein de trucs à la fois et je vois plein de gens, donc ça m’a vraiment calmé, ça m’a posé. J’ai fait beaucoup de yoga et de méditation. J’ai aussi passé du temps avec mes parents alors que ça faisait des années que je n’avais pas été avec mon père. Je me suis donc retrouvée avec lui, six ans, dix ans après, et ça a été vraiment super. On s’est retrouvé en famille, j’ai eu de l’amour, de l’affection. Je me suis retrouvée et je crois que je ne me suis jamais sentie aussi heureuse de ma vie que pendant ce premier confinement.
À la sortie du celui-ci, j’étais super bien dans ma peau, je m’étais ressourcée. L’été j’ai bossé dans un bar et un restaurant. Le rythme de travail était assez speed, donc j’ai un peu perdu de ma paix intérieure.
En septembre j’ai repris les cours à la fac à Nantes, en deuxième année de Langues, Littératures et Civilisations Étrangères (LLCE). Je suis venue à Nantes – je suis originaire de Lorient – pour profiter de la vie universitaire. Mais je n’ai pas vraiment pu en profiter puisqu’il y a eu le deuxième confinement en octobre. Déjà qu’on assistait aux cours en présentiel seulement une semaine sur deux… Et là, ça s’est arrêté complètement. Ce deuxième confinement a vraiment été un enfer pour moi. Je suis retournée habiter pendant un mois, un mois et demi avec mon copain mais ça a été super compliqué entre nous. Il y a eu beaucoup de crises. Le confinement s’est arrêté mais les cours en présentiel n’ont pas repris. Je suis rentrée à Nantes et c’est là que j’ai commencé à tomber en dépression. Je m’ennuyais, je n’arrivais pas à m’accrocher à quelque chose. Il y a aussi eu une rupture avec mon copain. Je me suis sentie super seule. Je me sentais oppressée, emprisonnée. Mon père m’appelait régulièrement pour prendre des nouvelles mais c’était quasiment mon seul contact. J’ai passé plusieurs jours dans mon studio seule, sans voir personne.
Et quand j’ai vu le nouveau variant, je ne sais pas pourquoi, ça m’a créé une angoisse très très forte. J’en pleurais et je me suis dit que la vie ne reprendrait jamais. C’était un tourbillon un peu sombre.
Il faut savoir que je suis bipolaire. Cela faisait bien deux ans que je n’étais plus sous traitement parce que je me sentais bien, que je le vivais bien. Cette pandémie m’a tellement impactée que j’ai refait une chute. Je suis tombée en dépression avec des phases de manie. J’ai fini par séjourner une semaine à l’hôpital psychiatrique de saint Jacques, le temps de remettre en place un traitement. Aujourd’hui je vais mieux, je commence à relativiser tout ça mais ça a été très dur.
Au niveau des cours ça a été super dur aussi. Je n’ai pas pu passer mes partiels du premier semestre. La pression des partiels en distanciel m’a aussi fait craqué. Aujourd’hui encore, j’ai beaucoup de mal à me raccrocher à mes cours. Je sens que j’en ai trop raté, que j’ai accumulé des lacunes et après ce que j’ai vécu je n’ai plus la même énergie, ni les mêmes capacités intellectuelles, donc je pense que je vais redoubler. Mais je me sens bloquée avec le covid. Je n’arrive pas à me projeter, à imaginer après et ça m’empêche de me motiver pour mes études. On a tellement pas de visibilité avec ce qui se passe. Un coup les facs ferments, un coup elles rouvrent, un coup les frontières ferment, un coup elles rouvrent. J’ai toujours voulu faire du journalisme, faire des reportages, voyager partout, partir en Erasmus, vivre de manière nomade et là c’est comme si tous mes projets étaient arrêtés ou cassés avec beaucoup moins de chances que ça se produise, donc c’est démoralisant. On va peut-être reprendre en présentiel le 1er mars si c’est possible. C’est deux mois avant la fin de l’année. Ça fait peu de temps…
Marie, le 21/02/2021
Projet documentaire CoronaKrach
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